Le Quatuor Anches Hantées aime donner de la voix à ceux que l’Histoire a rendu inaudibles.
L’inspiration de ce programme naît d’un mystère : l’identité d’une inconnue qui a nourri les passions et a participé à l’engouement autour de Ludwig Van Beethoven. On connaît parfaitement du compositeur ses nombreux soucis de santé dont on retient surtout la surdité. Mais sur sa vie privée et sentimentale, le silence règne, ce qui contribue à animer les foules. Pour attiser davantage la curiosité des mélomanes, Beethoven laisse une lettre, retrouvée à sa mort dans ses papiers, jamais envoyée et dont – malgré les recherches des historiens – on ne connaîtra jamais la destinataire. Nous l’aurait-il cachée à dessein ?
Richard Dubugnon, en composant la Lettre à l’Immortelle Bien-Aimée, mélodrame pour quatuor de clarinettes et comédien donne une voix à l’objet des fantasmes de Beethoven. Dans un mouvement expressif, lent, parcouru de mouvements plus rapides et frénétiques, la musique dialogue avec les dix pages de cette lettre et nous emporte dans l’intimité de sa lectrice, amante de la plus grande « super star » que la musique classique n’ait jamais connue.
Donner à entendre, porter à la conscience collective toutes ces femmes – amantes, épouses, sœurs – leurs œuvres et leur combat que le temps a jusqu’alors muselés, fait sens. Trop longtemps installées comme faire-valoir ou muses, elles prennent enfin toute leur place aux côtés de leurs alter egos.
Comme Alma, comme Clara, son époque ordonna à Fanny Mendelssohn d’être épouse et d’être mère. Même son frère Felix lui reconnut un talent immense de compositrice, mais craignant qu’il ne dépassât le sien, il préféra la rassurer dans son rôle de femme au foyer.
Et comme lui, en écoutant l’unique quatuor de Fanny Mendelssohn, édité il y a peu et transcrit ici pour quatuor de clarinettes, on comprend à quel point la fougue immense, l’avant-gardisme vertigineux et le discours brillant et puissant de la compositrice firent pâlir les plus grands compositeurs de l’époque. Son inspiration n’était pas prête de se tarir lorsque la mort l’emporta subitement à 42 ans.
En première partie, le QAH remplacera le piano et proposera une version inédite de la Rhapsody in Blue de Georges Gershwin, accompagné par l’orchestre symphonique du conservatoire.